Le mois de mars 2024 a été le mois du Ramadan pour les musulmans, celui de Pâques pour les chrétiens et aussi celui de Pourim pour les juifs. Quoi de plus naturel que d’écrire un article sur la Maison de la Famille de Abraham, The Abrahamic Family House.
DUBAÏ : un rabbin, un évêque et un imam entrent dans une pièce. On dirait le début d’une histoire drôle. En réalité, il s’agit d’un moment historique pour les relations interconfessionnelles, qui s’est concrétisé par la signature du document sur la fraternité humaine en février 2019.
Signé par le pape François et le grand imam d’Al-Azhar Ahmed el-Tayeb, ce document appelait les adeptes des trois religions abrahamiques à créer des liens de paix et de dialogue. Ce document a conduit à la création de la Maison de la famille abrahamique, (conçue par l’architecte ghanéen-britannique Sir David Adjaye), qui a ouvert ses portes à Abu Dhabi en mars 2023.
Avec une synagogue, une église et une mosquée ayant des piliers identiques mais décorés différemment (en zigzag, droits et arqués) la maison d’Abraham donne à chaque lieu de culte une identité visuelle distincte, tout en faisant allusion à leurs nombreuses similitudes. La conception des trois lieux de culte est égalitaire ; chacun occupe un espace de taille égale aux autres.
L’idée est d’offrir aux adeptes des trois religions un lieu unique où ils peuvent pratiquer leur culte séparément sur le même site. Grâce à son jardin, les visiteurs de toutes les confessions peuvent également se mélanger librement et échanger des idées.
Ce lieu intime est un nouveau concept pour les relations interconfessionnelles suivi de près par les gouvernements et les chefs religieux du monde entier. Si le succès est au rendez-vous, l’idée pourrait être reprise ailleurs.
Malgré ces espaces clairement délimités, la maison agit collectivement comme un symbole de tolérance religieuse et un lieu où toutes les confessions peuvent apprendre à se comprendre en harmonie.
« Nous ne devrions pas utiliser les religions comme quelque chose qui divise les gens ou qui les fait entrer en conflit les uns avec les autres », a estimé Mahmoud Nagah, l’imam de la mosquée de l’éminence Ahmed el-Tayeb. « Les croyances religieuses devraient rapprocher les communautés », a-t-il ajouté.
Les musulmans représentent environ les trois quarts de la population des Émirats arabes unis, tandis que les diverses sectes chrétiennes représentent environ 10%. Les 15% restants comprennent un certain nombre d’autres religions, dont les hindous, les sikhs, les bouddhistes et les juifs, selon des chiffres publiés par le Washington Post.
Il convient de mentionner que les Émiratis — citoyens à part entière des Émirats arabes unis — ne représentent que 11% de la population totale du pays.
La constitution du pays garantit la liberté de culte, pour autant que cela n’aille pas à l’encontre de l’ordre public. L’islam est la religion officielle et il existe des lois interdisant le blasphème, le prosélytisme par des non-musulmans et la conversion de l’islam.
Les accords d’Abraham de septembre 2020 et leur rôle dans le processus de paix au Moyen-Orient suscitent encore beaucoup de scepticisme, d’autant plus que les autorités israéliennes continuent d’occuper les territoires palestiniens et de soutenir la construction de colonies.
Mais ces divergences avec Israël sur des questions politiques n’ont pas freiné la croissance de la population juive des Émirats arabes unis. La synagogue Moses Ben Maimon, située dans la Maison de la famille abrahamique, est la première synagogue construite à cet effet dans le Golfe depuis près de 100 ans. Son grand rabbin, Yehuda Sarna, a déclaré que la population juive continuait de croître « de façon naturelle ».
Compte tenu du succès initial de la Maison de la famille abrahamique, Yehuda Sarna a déclaré qu’il entrevoyait un avenir prometteur pour des projets similaires dans d’autres parties du monde, qui pourraient contribuer à créer des liens de cohésion entre les adeptes de toutes les confessions, malgré leurs différences.
Paulo Martinelli, Vicaire du vicariat apostolique d’Arabie du Sud et pasteur en chef de l’église Saint-François a été nommé par le Pape François pour diriger la prière catholique à la Maison de la famille abrahamique. « Ici aussi, certes, c’est un endroit particulièrement intéressant parce que ce n’est pas seulement une église catholique, mais c’est une église catholique dans la Maison de la Famille Abrahamique, dans laquelle nous avons trois lieux de culte différents », a-t-il déclaré.
Il a spécifié : « Nous (les trois religions) sommes clairement différents, mais nous sommes aussi ensemble. Nous pouvons donc partager nos expériences et montrer au monde qu’il est possible de travailler ensemble, même si nous sommes différents. »
Paulo Martinelli estime qu’il existe un énorme potentiel de réussite pour des sites interconfessionnels similaires ailleurs dans le monde.
Le judaïsme, le christianisme et l’islam sont trois religions monothéistes nées au Moyen-Orient. Elles reposent toutes sur un livre sacré (la Torah, la Bible et le Coran).
On retrouve des pratiques communes, comme la circoncision (chez les Juifs et les musulmans), la prière, le mariage ou le jeûne. Mais, il existe aussi des différences, comme le lieu et l’organisation du culte, ou encore le jour de repos.
La Maison de la famille abrahamique d’Abu Dhabi a ouvert ses portes au public en mars 2023. Depuis lors, un rabbin, un évêque et un imam ont été régulièrement vus entrant dans le même bâtiment. Bien qu’ils prient dans des espaces distincts, ils partagent le même rêve d’une coexistence religieuse pacifique. Et un tel objectif n’a rien d’une plaisanterie.
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